
©Maarit Kytöharju
Finlande
Kaija Saariaho (1952-2023) est une compositrice finlandaise et figure majeure de la musique contemporaine. Elle est l'une des compositrices les plus éminentes de sa génération, ayant gagné une reconnaissance internationale tout au long de sa carrière, en Finlande et au niveau international. Elle commence l'apprentissage de la musique à l'âge de six ans, étudiant le violon, le piano et l'orgue. Elle suit des études en arts visuels à l’Université d’Arts et de Design d’Helsinki avant de se tourner vers la composition à partir de 1976, sous l’égide notamment de Paavo Heininen à l’Académie Sibelius, dont elle sort diplômée en 1980. Elle poursuit ensuite ses études auprès de Klaus Huber et Brian Ferneyhough à la Musikhochschule de Fribourg-en-Brisgau de 1981 à 1983. Installée en France à partir de 1982, elle suit des cours et s’initie notamment à l’informatique musicale à l’IRCAM, avec lequel elle collaborera pendant plusieurs années. C’est dans ce contexte qu’elle découvre les techniques de la musique spectrale. Ses recherches en ce domaine l'amèneront à développer sa propre méthode d’utilisation des analyses pour ses structures harmoniques et timbrales. Son approche compositionnelle est largement centrée sur le son, le timbre et la recherche de textures luxuriantes et mystérieuses mêlant souvent performance live et électronique. Des œuvres telles que Nymphéa (1987) et Petals (1988) pour violoncelle illustrent cette exploration de la texture sonore. L'intégration des nouvelles technologies et l'exploration du son, en tant que dimension composable, jouent un rôle central dans sa technique compositionnelle, mêlant l'écriture instrumentale au traitement du son. La musique de Saariaho sculpte le son et intègre également les textes comme paramètre compositionnel, particulièrement dans les opéras qu’elle écrira plus tard dans sa carrière.
Après Lichtbogen en 1986, Saariaho diversifie progressivement ses horizons musicaux, abordant un éventail plus large de genres, notamment la musique de chambre et la musique chorale. Un certain nombre des œuvres écrites dans ce domaine deviendront des incontournables pour plusieurs ensembles instrumentaux et vocaux. Durant les années suivantes, elle accède à une reconnaissance internationale avec des œuvres telles que Oltra Mar (1999), Orion (2002), Laterna Magica (2008) et Circle Map (2012), ainsi que plusieurs concertos et cycles de pièces vocales et orchestrales, tels que Château de l’âme (1995) et True Fire (2014). Ces œuvres sont toutes marquées par un souci récurrent de marier la dimension scientifique, technologique et rationaliste de son écriture à une approche d'inspiration poétique et littéraire, ancrée dans une recherche de diverses expériences sensibles et associatives. C'est avec ses opéras des années 2000, en collaboration avec les librettistes Amin Maalouf et Sofi Oksanen (pour son dernier opéra), qu'elle accède à une reconnaissance plus large encore auprès du grand public. Ses opéras L’Amour de loin (2000), Adriana Mater (2006), La Passion de Simone (2006), Émilie (2010), Only the Sound Remains (2016) et Innocence (2020) ont tous été chaleureusement accueillis lors de leurs créations et ont bénéficié de tournées mondiales et de multiples productions scéniques. Innocence sera même qualifié de « chef-d'œuvre » par le New York Times - Leur traitement expressif de la voix et de l'orchestre, ainsi que leur renouvellement des formes et des récits sur les grandes scènes, ont fait de ces six œuvres des classiques de l'opéra contemporain de son vivant. Elle a également exercé une activité pédagogique : elle a notamment enseigné la composition à l'Université de San Diego en Californie durant l’année 1988-1989 et à l'Académie Sibelius à Helsinki au cours des années 1997-1998 et 2005-2009.
Kaija Saariaho s’est éteinte en 2023 des suites d’une tumeur au cerveau. À travers son parcours, elle laisse un héritage important, ayant ouvert des voies pour les générations suivantes, notamment en tant que modèle d'émulation pour de nombreuses jeunes compositrices. Sur ce sujet, elle n'aimait pas particulièrement être perçue ou catégorisée comme "femme compositrice", ni s'attarder sur les préjugés auxquels les femmes ont souvent été confrontées dans le monde de la musique classique. Elle reconnaissait cependant qu'elle pouvait sans doute jouer un rôle de sensibilisation sur la persistance des inégalités de genre en musique.
Approches compositionnelles
Très complexe à ses débuts de sa carrière, sa musique se dépouillera et se simplifiera avec ses œuvres de maturité. L'approche de Kaija Saariaho s'inscrit dans le prolongement des perspectives de la musique spectrale et de l’exploration des textures sonores. Comme nombre de musicien-nes lié-es du mouvement spectral, sa technique est fondée sur l'analyse des propriétés spectrales de notes d'instruments, utilisées comme modèle compositionnel pour élaborer ses structures musicales. Dès les années 1980, elle explore le principe de « l’axe timbral », où « une texture bruitée et granuleuse est associée à la dissonance, tandis qu'une texture lisse et limpide représente la consonance » – une démarche qui lui permet de naviguer entre des sonorités riches et variées. Dans le contexte des approches spectrales, timbre et harmonie sont pensés comme indissociablement liés, jouant sur la similitude perceptive entre un son, son spectre et sa représentation en hauteurs. Ainsi dans une pièce comme Lichtbogen (1986), elle applique l’analyse spectrale de sons instrumentaux pour structurer son matériau, en créant des réservoirs de hauteurs lui servant de base à la construction de sa pièce. L'opposition consonance-dissonance de l'axe timbral, fondée sur le timbre, s’étend également à d’autres paramètres comme l’orchestration, l’harmonie, le rythme, les phrases et la forme musicale. L’usage de l’axe timbral favorise ainsi le déploiement d’une écriture « transitoire », oscillant entre ces pôles extrêmes. Des œuvres comme Laconisme de l’aile pour flûte (1982), Près pour violoncelle et électronique (1992) et Amers (1992) illustrent cette approche, alternant entre des sons éthérés et des textures plus denses. Saariaho crée ainsi des atmosphères sonores d’une grande richesse mettant en exergue son intérêt particulier sur le traitement des différentes nuances sonores.
Reconnaissance et distinctions
Membre élue de l’Académie des Beaux-Arts en 2022, Kaija Saariaho a reçu de nombreuses distinctions depuis les années 1980. Parmi eux, on peut citer le Kranichsteiner Musikpreis (1986), le prix Ars Electronica (1989), le Prix de Musique du Conseil Nordique (2000), le Schock Prize (2001), le titre du Musical America Composer (2008), le Léonie Sonnings Musikpris (2011), le Polar Music Prize (2013), le Lion d’or à la Biennale de Venise (2021) ou encore le prix des Victoires de la musique classique pour son opéra Innocence (2022). Elle a également reçu le Grawemeyer Award, le Nemmers Prize, le Sonning Prize et le BBVA Foundation’s Frontiers of Knowledge Award. Deux de ses enregistrements ont aussi été récompensés d’un Grammy Award. En 2019, elle a été désignée « plus grande compositrice vivante » par ses pairs, dans un sondage du BBC Music Magazine.
– Andrée Friaud et Frédérick Duhautpas –
Après Lichtbogen en 1986, Saariaho diversifie progressivement ses horizons musicaux, abordant un éventail plus large de genres, notamment la musique de chambre et la musique chorale. Un certain nombre des œuvres écrites dans ce domaine deviendront des incontournables pour plusieurs ensembles instrumentaux et vocaux. Durant les années suivantes, elle accède à une reconnaissance internationale avec des œuvres telles que Oltra Mar (1999), Orion (2002), Laterna Magica (2008) et Circle Map (2012), ainsi que plusieurs concertos et cycles de pièces vocales et orchestrales, tels que Château de l’âme (1995) et True Fire (2014). Ces œuvres sont toutes marquées par un souci récurrent de marier la dimension scientifique, technologique et rationaliste de son écriture à une approche d'inspiration poétique et littéraire, ancrée dans une recherche de diverses expériences sensibles et associatives. C'est avec ses opéras des années 2000, en collaboration avec les librettistes Amin Maalouf et Sofi Oksanen (pour son dernier opéra), qu'elle accède à une reconnaissance plus large encore auprès du grand public. Ses opéras L’Amour de loin (2000), Adriana Mater (2006), La Passion de Simone (2006), Émilie (2010), Only the Sound Remains (2016) et Innocence (2020) ont tous été chaleureusement accueillis lors de leurs créations et ont bénéficié de tournées mondiales et de multiples productions scéniques. Innocence sera même qualifié de « chef-d'œuvre » par le New York Times - Leur traitement expressif de la voix et de l'orchestre, ainsi que leur renouvellement des formes et des récits sur les grandes scènes, ont fait de ces six œuvres des classiques de l'opéra contemporain de son vivant. Elle a également exercé une activité pédagogique : elle a notamment enseigné la composition à l'Université de San Diego en Californie durant l’année 1988-1989 et à l'Académie Sibelius à Helsinki au cours des années 1997-1998 et 2005-2009.
Kaija Saariaho s’est éteinte en 2023 des suites d’une tumeur au cerveau. À travers son parcours, elle laisse un héritage important, ayant ouvert des voies pour les générations suivantes, notamment en tant que modèle d'émulation pour de nombreuses jeunes compositrices. Sur ce sujet, elle n'aimait pas particulièrement être perçue ou catégorisée comme "femme compositrice", ni s'attarder sur les préjugés auxquels les femmes ont souvent été confrontées dans le monde de la musique classique. Elle reconnaissait cependant qu'elle pouvait sans doute jouer un rôle de sensibilisation sur la persistance des inégalités de genre en musique.
Approches compositionnelles
Très complexe à ses débuts de sa carrière, sa musique se dépouillera et se simplifiera avec ses œuvres de maturité. L'approche de Kaija Saariaho s'inscrit dans le prolongement des perspectives de la musique spectrale et de l’exploration des textures sonores. Comme nombre de musicien-nes lié-es du mouvement spectral, sa technique est fondée sur l'analyse des propriétés spectrales de notes d'instruments, utilisées comme modèle compositionnel pour élaborer ses structures musicales. Dès les années 1980, elle explore le principe de « l’axe timbral », où « une texture bruitée et granuleuse est associée à la dissonance, tandis qu'une texture lisse et limpide représente la consonance » – une démarche qui lui permet de naviguer entre des sonorités riches et variées. Dans le contexte des approches spectrales, timbre et harmonie sont pensés comme indissociablement liés, jouant sur la similitude perceptive entre un son, son spectre et sa représentation en hauteurs. Ainsi dans une pièce comme Lichtbogen (1986), elle applique l’analyse spectrale de sons instrumentaux pour structurer son matériau, en créant des réservoirs de hauteurs lui servant de base à la construction de sa pièce. L'opposition consonance-dissonance de l'axe timbral, fondée sur le timbre, s’étend également à d’autres paramètres comme l’orchestration, l’harmonie, le rythme, les phrases et la forme musicale. L’usage de l’axe timbral favorise ainsi le déploiement d’une écriture « transitoire », oscillant entre ces pôles extrêmes. Des œuvres comme Laconisme de l’aile pour flûte (1982), Près pour violoncelle et électronique (1992) et Amers (1992) illustrent cette approche, alternant entre des sons éthérés et des textures plus denses. Saariaho crée ainsi des atmosphères sonores d’une grande richesse mettant en exergue son intérêt particulier sur le traitement des différentes nuances sonores.
Reconnaissance et distinctions
Membre élue de l’Académie des Beaux-Arts en 2022, Kaija Saariaho a reçu de nombreuses distinctions depuis les années 1980. Parmi eux, on peut citer le Kranichsteiner Musikpreis (1986), le prix Ars Electronica (1989), le Prix de Musique du Conseil Nordique (2000), le Schock Prize (2001), le titre du Musical America Composer (2008), le Léonie Sonnings Musikpris (2011), le Polar Music Prize (2013), le Lion d’or à la Biennale de Venise (2021) ou encore le prix des Victoires de la musique classique pour son opéra Innocence (2022). Elle a également reçu le Grawemeyer Award, le Nemmers Prize, le Sonning Prize et le BBVA Foundation’s Frontiers of Knowledge Award. Deux de ses enregistrements ont aussi été récompensés d’un Grammy Award. En 2019, elle a été désignée « plus grande compositrice vivante » par ses pairs, dans un sondage du BBC Music Magazine.
– Andrée Friaud et Frédérick Duhautpas –
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Présence Compositrices - dernière mise à jour 16 décembre 2024