Des petits mots de rien du tout, qui en disent long, ou pas. Mais comme en mai le dicton nous autorise à faire ce qu’il nous plaît, il me plaît de partager !
Épisode I
Le premier petit mot de rien du tout est un adjectif, au caractère plaisant puisqu’il s’agit de « Sympathique ». Vu sous cet angle et nanti d’une majuscule, on pourrait presque le prendre pour le prénom d’un des sept nains ! Je l’ai trouvé il y a quelques années, au détour d’un article de presse qui d’ailleurs l’était également, sympathique. Je n’ai donc pas nourri d’animosité envers son auteur, ce qui de toute façon n’aurait pas servi à grand-chose. Juste un petit mouvement d’humeur. Mais je me suis interrogée. Et j’ai quand même gardé cela dans un coin de mémoire. En quoi le festival que je dirigeais était-il un festival « sympathique » ? D’autant que, juste avant, était aussi écrit un autre de ces petits mots de rien du tout. Un verbe cette fois. L’auteur précisait en effet que ce sympathique festival était « animé » par Claire Bodin. Alors quoi ? Aurais-je sans le savoir donné naissance à une super colonie de vacances ? Ou à la kermesse des compositrices ? Ou à un remake de Blanche Neige ?
En soi, l’adjectif sympathique n’a rien d’antipathique. Mais n’aurait-il pas été plus juste de parler d’un festival original ? Rare ? Pourquoi pas essentiel, dans un panorama conjuguant musique classique au masculin ?
Avec des pensées reconnaissantes pour les artistes, femmes et hommes, qui se sont engagés avec compétence et enthousiasme depuis 2011 dans des programmes qu’ils ont montés spécialement pour Présences Féminines, j’aurais même souhaité que soient employés les termes « précurseur » ou « osé » …est-ce exagéré et immodeste ?
Je ne sais pas pourquoi, mais « sympathique » ça ne sonne pas totalement sérieux, pas vraiment professionnel. Et pourtant, le festival Présences Féminines l’a toujours été. Même avec de très petits moyens. Et dès sa première édition.
Venons-en au verbe « animer ». D’aucuns diront – et je suis d’accord avec cela – que c’est un très beau verbe. Qui donne l’âme, la vie. Et c’est bien ce que le festival fait depuis 10 ans, en permettant à tant d’œuvres et de noms de compositrices de sortir de l’ombre.
Et puis, le verbe animer est aussi symbole de passion, d’éclat, de vivacité, d’ardeur. Des mots qui sonnent comme une Christiane Taubira dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. En lisant toutes ces définitions valorisantes dans le Littré, je me demande pourquoi finalement je ne le préférerais pas à « diriger ». Car dans le fond, toutes ces qualités ne sont-elles pas ce que l’on souhaite toutes et tous incarner dans notre quotidien artistique ? D’où vient alors cette impression de ne jamais avoir rencontré le verbe « animer » attribué à un homme ? Un homme dirige. Il n’anime pas. Ou du moins s’il anime, c’est une soirée, une réunion, un atelier. Bref, un moment et pas un festival. D’ailleurs rien que pour voir, je me suis amusée à taper dans la barre de recherche internet les mots : « Un festival animé par » … pour atterrir directement dans le monde formidablement créatif du cinéma d’animation. Puis j’ai tapé : « Un festival dirigé par » …et c’est bien ce que je pensais. C’est peut-être tout aussi créatif, un peu moins marrant, mais il n’empêche que là on n’anime pas, on dirige. Et sérieusement.
Sur le coup, le « sympathique festival animé par Claire Bodin » m’est donc resté un peu en travers de la gorge et m’a rappelé toutes sortes de choses que l’on disait vis-à-vis des compositrices et des femmes, dans les siècles passés, bien sûr. Par exemple, quand on leur reconnaissait du talent, mais contenu dans les limites rassurantes de la nature délicieuse qui était la leur. Histoire de ne pas détruire l’agréable suavité qui embellit tout ce que fait une femme, comme le disait Baldassare Castiglione, auteur du célèbre « livre du courtisan ». 1528 quand même, ça date ! Un peu plus récemment et de Germaine Tailleferre, pour n’en citer qu’une, Henri Sauguet aurait dit : Le talent de Germaine Tailleferre est évidemment essentiellement féminin et c’est en cela que peut-être elle a trouvé toutes les grâces de sa composition tout ce qu’elle sait mettre de charme, de spontanéité, mais aussi de piquant, de frais, d’ému et de tendre. Autres temps, autres mœurs. Quel serait l’équivalent aujourd’hui ?
A méditer en écoutant, si le cœur vous en dit, la toute simple et paisible Rêverie pour piano de Germaine Tailleferre…